Le programme « Géoarchéologie oasienne »

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Responsable: Jean-Paul Bravard

L’objet de l’étude de l’équipe archéologique d’El-Deir est une oasis antique du désert Libyque, avec son paysage spécifique, son histoire, imbriquée dans celles des hommes qui l’ont habitée, construite, vécue. Dans les travaux que nous menons, l’environnement – l’oasis- n’est pas perçu comme un cadre, comme un conteneur, un décor dans lequel se déroulerait l’histoire des hommes. Au cœur de notre questionnement, il y a la spécificité de l’oasis, son apparition (on pourrait dire sa naissance), les crises qui peuvent la mettre en péril, sa disparition sans cesse menaçante et, pour l’oasis d’el-Deir, avérée.

Qu’est-ce qu’une oasis ? Les images qui viennent en premier lieu à l’esprit : la douce fraîcheur des palmeraies, l’eau claire et abondante relèvent en grande partie du fantasme de la rétribution du voyageur au terme d’un voyage harassant et périlleux, à travers de vastes étendues sans eau et sans ombre. Tel un marin traversant les océans, le caravanier aborde l’oasis du désert Libyque en parcourant la grande étendue désertique désignée sous le nom de « Grande mer de sable ». Déjà, au Ve s. avant notre ère, Hérodote a décrit l’oasis de Kharga, dans son livre II des Histoires, avec l’expression d’ « île des Bienheureux ».

Et c’est bien dans cette tension que réside la définition de l’oasis : ce qui fait l’oasis, c’est avant tout le désert qui l’entoure et qu’elle aide à parcourir, jalonnant d’étapes et de points d’eau salutaires les vastes étendues indéfinies que sont les déserts. Si le désert est un océan, l’oasis est bien une île, qui fournit un port à la caravane. Et les oasis maillent le désert tel des archipels. Elles ne peuvent perdurer que si elles sont insérées dans un réseau, qui permet l’installation et la survie de communautés humaines.

C’est là le deuxième point important de la définition de l’oasis : ce n’est pas un objet naturel et permanent, ce n’est pas juste un point d’eau dans le désert, c’est de l’eau captée et aménagée par les hommes, au milieu d’un milieu hostile, hyper aride : le désert. L’oasis n’est jamais donnée, elle est au contraire extrêmement fragile, et résulte d’une lutte sans cesse recommencée, une histoire cyclique, d’installations et d’abandons, de constructions, de destructions et de réparations. L’oasis est donc un environnement dynamique, qui se redéfinit sans cesse par rapport au désert, qui l’entoure et qui la menace. Au sein même de ce qu’on appelle l’oasis de Kharga, il y a une multitude de micro-oasis séparée par des étendues de sable, qui apparaissent et disparaissent en permanence. Le désert est donc présent eu sein même de l’oasis, il s’immisce partout, signifiant aux hommes qu’il n’est jamais loin, qu’ils ne peuvent pas se permettre d’abandonner la lutte.

En définitive, c’est cette question qui anime les recherches que nous menons avec mon équipe dans l’oasis de Kharga: celle de la genèse d’une oasis, et celle de sa fin, sans cesse répétées et que nous tentons d’insérer dans une histoire plus vaste.

On trouvera une présentation complète des résultats de l’étude géomorphologique et géoarchéologique menée à El-Deir dans un article de synthèse sous la direction de Jean-Paul Bravard:

Jean-Paul Bravard, Ashraf Mostafa, Romain Garcier, Pascale Ballet et Gaëlle Tallet. « Rise and fall of an Egyptian oasis: artesian flow, irrigation soils and historical agricultural development in El-Deir, Kharga depression, Western Desert of Egypt », Geoarchaeology, 2016 [doi:10.1002/gea.21566].